quantité d’hommes que le culte religieux, une jurisprudence compliquée, un système fiscal absurde et
tyrannique, l’agiotage et la manie des grandes armées,
obligent le peuple d’entretenir aux dépens de
son travail. Il n’y a de populace, ni à Genève, ni
dans la principauté de Neuchâtel. Il y en a beaucoup
moins en Hollande et en Angleterre qu’en France,
moins dans les pays protestants que dans les pays
catholiques. Dans tout pays qui aura de bonnes lois,
le peuple même aura le temps de s’instruire, et d’acquérir le petit nombre d’idées dont il a besoin pour se conduire par la raison.
Il a existé, et il existe encore plusieurs nations où l’on ne connaît ni dignités, ni prérogatives héréditaires : mais les familles qui ont été riches et puissantes durant plusieurs générations, les descendants des grands hommes en tout genre, de ceux qui ont rendu ou qui passent pour avoir rendu de grands services à la patrie, de ceux enfin à qui l’on attribue des actions extraordinaires, obtiennent, dans tous les pays, une considération héréditaire. Voilà ce qui est dans la nature ; le reste est l’ouvrage des préjugés. Les prérogatives héréditaires éteignent l’émulation, restreignent le choix pour les places importantes entre un plus petit nombre d’hommes, rendent
- ↑ Voltaire, tome XVII, p. 489.