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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 5.djvu/207

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VIE DE M. TURGOT. 1(^5

Mais ces mêmes vertus privées qui renferment ce qu’on appelle les mœurs, n’ont été généralement pratiquées chez aucun peuple. Elles sont incompatibles avec l’esclavage domestique et les outrages à la nature humaine qui en sont la suite nécessaire, avec le mépris barbare pour les nations étrangères ; en un mot, avec les usages et l’esprit des nations anciennes. On les chercherait aussi vainement chez les nations féroces et superstitieuses qui ont succédé aux Romains, ou chez les peuples esclaves de l’Asie. Elles sont rares encore parmi nous qui avons ajouté toute la corruption de l’esprit mercantile aux restes houleux des préjugés de nos pères. Mais pourquoi chez aucun peuple n’a-t-il donc existé de bonnes mœurs ? C’est qu’aucun n’a eu de bonnes lois ; c’est jue partout les lois ont flatté les vices de l’humanité u lieu de les réprimer ; c’est que partout, faites au gré de la volonté du plus fort, elles ont consacré le despotisme des hommes sur les femmes, des pères sur les enfants, des maîtres sur les esclaves, des riches sur les pauvres, des grands sur les petits, ou de la populace sur les citoyens. Interprètes fidèles de la vanité, elles ont séparé les hommes en ordres, en classes, et contrarié la nature qui tend à les réunir. Partout elles ont prêté fappui de la force à la charlatanerie, au monopole, qui cherchent à étouffei* l’honnête et paisible industrie ; partout elles ont violé dans les lois criminelles les dioits de l’humanité, offensé dans les lois civiles ceux de la propriété, ceux de la liberté dans la législation des impôts et de l’administration. Partout leur compli-

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