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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 5.djvu/371

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s’il est utile aux hommes d’être trompés ?

IV. Jusqu’ici nous avons montré que l’erreur ne peut être que nuisible en général. Mais on peut demander si, vu l’ignorance où la plupart des hommes sont liviés, il n’y a pas certaines vérités difficiles à comprendre, et auxquelles il faut substituer l’erreur, du moins pour les ignorants, les sots, les hommes faibles. On peut demander encore si on doit plonger dans l’erreur les classes d’hommes à qui les besoins physiques ne laissent pas le temps de s’instruire.

Les vérités nécessaires au commun des hommes ne sont pas compliquées par elles-mêmes. Si elles le paraissent, c’est parce qu’elles ne s’offrent aux philosophes qu’avec l’appareil des difficultés que la métaphysique a introduites. Les philosophes ont raison d’approfondir ces objets ; mais le peuple pourrait connaître la vérité sans l’approfondir. Un homme a-t-il besoin de beaucoup réfléchir pour sentir qu’il est de son intérêt de ne point faire de mal aux hommes qui l’entourent ; que s’il leur nuit par des actions qui ne sont pas du ressort des lois, il s’expose à leur haine ; que s’il se rend coupable des torts plus graves, il s’expose à la vengeance des lois ? Faut-il beaucoup réfléchir pour sentir qu’on n’a pas le droit de faire mal à un autre ; que la propriété de chacun doit être inviolable pour l’avantage même de chacun ? Ces vérités sont simples ; elles suffisent pour régler la conduite du peuple, dont les actions ne sont pas plus compliquées que ses idées.

On ne nait point avec un esprit faux. Mais il est aisé de faire adopter pour vraies, soit des erreurs, soit des maximes fausses qui ont une apparence de