Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/229

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frère et la sœur, et même entre le fils et la mère. Or, rien ne serait plus contraire à la pureté et au bonheur des mœurs domestiques. L’égalité est partout, mais surtout dans les familles, le premier élément de la félicité, de la paix et des vertus. Quelle autorité pourrait avoir la tendresse maternelle, si l’ignorance dévouait les mères à devenir pour leurs enfants un objet de ridicule ou de mépris ? On dira peut-être que j’exagère ce danger ; que l’on donne actuellement aux jeunes gens des connaissances que non seulement leurs mères, mais leurs pères même ne partagent point, sans que cependant on puisse être frappé des inconvénients qui en résultent. Mais il faut observer d’abord que la plupart de ces connaissances, regardées comme inutiles par les parents, et souvent par les enfants eux-mêmes, ne donnent à ceux-ci aucune supériorité à leurs propres yeux ; et ce sont des connaissances réellement utiles qu’il est aujourd’hui question de leur enseigner. D’ailleurs, il s’agit d’une éducation générale, et les inconvénients de cette supériorité y seraient bien plus frappants, que dans une éducation réservée à des classes où la politesse des mœurs et l’avantage que donne aux parents la jouissance de leur fortune, empêchent les enfants de tirer trop de vanité de leur science naissante. Ceux, d’ailleurs, qui ont pu observer des jeunes gens de familles pauvres, auxquels le hasard a procuré une éducation cultivée, sentiront aisément combien cette crainte est fondée.