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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/232

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les yeux des maîtres, loin d’avoir du danger pour les mœurs, serait bien plutôt un préservatif contre ces diverses espèces de corruption dont la séparation des sexes, vers la fin de l’enfance, ou dans les premières années de la jeunesse, est la principale cause. À cet âge, les sens égarent l’imagination, et trop souvent l’égarent sans retour, si une douce espérance ne la fixe pas sur des objets plus légitimes. Ces habitudes, avilissantes ou dangereuses, sont presque toujours les erreurs d’une jeunesse trompée dans ses désirs, condamnée à la corruption par l’ennui, et éteignant dans de faux plaisirs une sensibilité qui tourmente sa triste et solitaire servitude.

On ne doit pas établir une séparation qui ne serait réelle que pour les classes riches.

Ce n’est pas, sous une constitution égale et libre, qu’il serait permis d’établir une séparation purement illusoire pour la grande pluralité des familles. Or, jamais elle ne peut être réelle hors des écoles, ni pour l’habitant des campagnes, ni pour la partie peu riche des citoyens des villes : ainsi, la réunion dans les écoles ne ferait que diminuer les inconvénients de celle que, pour ces classes, on ne peut éviter dans les actions ordinaires de la vie, où elle n’est cependant, ni exposée aux regards de témoins du même âge, ni soumise à la vigilance d’un maître. Rousseau, qui attachait à la pureté des mœurs une importance peut-être exagérée, voulait, pour l’intérêt même de cette pureté, que les deux sexes se mêlassent dans