Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/269

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seulement cette morale superstitieuse, enseignée par des fourbes jaloux d’éterniser la sottise humaine, mais même cette fausse philosophie qui plaçait le bonheur dans l’apathie, et la vertu dans les privations, il faut, au contraire, chercher avec d’autant plus de soin à exciter ce sentiment dans les élèves, destinés, pour la plupart, à ne point aller au-delà de ces premières études, que les hommes qui ont peu de connaissances, dont les besoins sont bornés, dont l’horizon étroit n’offre qu’un cercle uniforme, tomberaient dans une stupide léthargie, s’ils étaient privés de ce ressort. La nature, d’ailleurs, a attaché du plaisir à l’instruction, pourvu qu’elle soit bien dirigée. En effet, elle n’est alors que le développement de nos facultés intellectuelles, et ce développement augmentant notre pouvoir, et par conséquent nos moyens de bonheur, il en résulte un plaisir réfléchi, auquel s’unit encore celui d’être débarrassé de cette inquiétude pénible, qui accompagne la conscience de notre ignorance, et que produit la crainte vague d’être moins en état de se défendre des maux qui nous menacent.

Mais c’est dans la maison paternelle que les enfants doivent recevoir le plus d’encouragement à l’étude ; ils seront ce que leurs parents voudront qu’ils soient. Le désir d’être approuvés par eux, d’en être aimés, est la première de leurs passions ; et ce serait outrager la nature, que d’aller chercher d’autres encouragements au travail, d’autre charme contre les dégoûts passagers qu’il inspire à ceux pour qui une heureuse facilité n’en a pas fait un plaisir.