Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/294

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sants remplissent habituellement la vie de ceux qui, ayant une fortune indépendante, ne sont pas obligés de s’occuper des moyens de subsister ou d’augmenter leur aisance. Si les connaissances acquises dans leur éducation ne leur offrent pas une occupation facile et agréable qui leur promette quelque estime, il faut nécessairement qu’ils cherchent des ressources contre l’ennui dans l’intrigue, dans le jeu, dans la poursuite de la fortune ou des plaisirs. Or, une éducation qui leur aurait fait parcourir les éléments d’un grand nombre de sciences, qui les aurait rendus capables de les cultiver, deviendrait pour eux une ressource inépuisable. Les sciences offrent un intérêt toujours renaissant, parce que toujours elles font des progrès, parce que leurs applications se varient à l’infini, se prêtent à toutes les circonstances, à tous les genres d’esprit, à toutes les variétés de caractère, comme à tous les degrés d’intelligence et de mémoire. Toutes ont l’avantage de donner aux esprits plus de justesse et de finesse à la fois, de faire contracter l’habitude de penser, et le goût de la vérité. C’est dans la culture des sciences, dans la contemplation des grands objets qu’elles présentent, que l’homme vertueux apprendra sans peine à se consoler de l’injustice du peuple et des succès de la perversité : qu’il prendra l’habitude d’une philosophie à la fois indulgente et courageuse ; qu’il pourra pardonner aux hommes sans avoir besoin de les mépriser, et les oublier sans cesser de les aimer et de les servir. C’est donc autant l’utilité morale et indirecte que l’utilité physique et directe de ces sciences