Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/364

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lité, sans être obligé à une nouvelle dépense. Ce serait à la fois et un avantage réel et une marque d’honneur pour un écrivain, que de voir ses ouvrages placés dans cette liste ; mais il faudrait avoir soin de n’employer de cette manière qu’une partie des fonds destinés à chaque bibliothèque, et laisser à celui qui en sera chargé l’emploi libre du reste. Par ce moyen, la puissance publique ne pourra affecter sur les opinions une domination toujours dangereuse, en quelque main qu’elle soit confiée, et, ici comme ailleurs, on sera fidèle au principe de ne rien diriger qu’en respectant l’indépendance.

Je placerais au nombre des travaux qu’il est bon d’encourager, d’abord une édition abrégée des auteurs du seizième, du dix-septième, et même d’une partie du dix-huitième siècle qui ont une réputation méritée ; tels que Descartes, la Motte le Vayer, Arnaud, Bayle, Nicole, etc. ; car il peut être aussi utile, aussi intéressant de connaître la manière de voir de ces hommes célèbres, qu’il est impossible de les lire, vu l’étendue de leurs ouvrages et ce qu’ils renferment de fastidieux, aujourd’hui que les hommes n’ont plus les mêmes opinions, ne sont plus occupés des mêmes intérêts. En effet, à mesure que les livres se multiplient, qu’il nous en reste d’un plus grand nombre d’époques, les progrès des lumières changent en absurdités ce qui passait pour des vérités éternelles, et font mépriser des questions qu’on croyait importantes. Les petits détails excitaient chez les contemporains la curiosité et l’intérêt ; à peine la postérité veut-elle connaître les mas-