Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/379

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nement est digne de cet honneur, et une fête accordée à une capitale deviendrait une récompense pour toute la province. On y proclamerait les honneurs publics accordés à la mémoire des hommes de génie, aux citoyens vertueux, aux bienfaiteurs de la patrie ; le récit de leurs actions, l’exposition de leurs travaux deviendrait un motif puissant d’émulation et une leçon de patriotisme ou de vertu. On y distribuerait des prix ou des couronnes. Les prix doivent être réservés pour ceux qui auront le mieux rempli un objet utile, par un livre, une machine, un remède, etc. ; mais il ne doit pas y en avoir pour les actions. La gloire est sans doute une récompense digne de la vertu, mais la vanité ne doit pas en souiller les nobles jouissances. L’homme vertueux peut trouver une douce volupté dans les bénédictions publiques, dans le suffrage de ses égaux ; mais le plaisir de se croire supérieur n’est pas fait pour son cœur, et ce n’est pas à s’élever au-dessus d’un autre, c’est à se perfectionner lui-même qu’il emploie ses pensées et ses efforts.

D’ailleurs, pour porter un jugement de préférence, il faut avoir une échelle sûre, et elle manque pour le mérite des actions ; car ce mérite est surtout dans le sentiment qui les inspire, dans le mouvement qui les produit.

Les Romains l’avaient senti ; ils couronnaient celui qui avait remporté une victoire, pénétré le premier dans une ville, ou sauvé un citoyen ; c’était l’action et non l’homme qu’ils récompensaient, et ces honneurs ne pouvaient ni produire d’odieuses