Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/447

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ont dévoué leur vie apprennent à tout braver ; il faut être prêt à lui sacrifier même cette célébrité, cette opinion, dernier effort que la raison exige, et qu’il lui est si rare d’obtenir.

On n’a pas toujours le pouvoir ou l’adresse de présenter la ciguë aux Socrates, tous les triumvirs n’ont pas des Popilius à leurs ordres ; mais il sera toujours facile aux tyrans d’acheter sinon les talents, du moins la méchanceté d’un Aristophane. Toujours ces instruments de la calomnie, les plus vils des hommes après ceux qui les emploient, environneront la médiocrité orgueilleuse et puissante ; toujours ils seront flattés que l’ambition et la politique daignent les associer à leurs projets et à leurs crimes. Mais quel ami de la vérité serait effrayé de leurs vaines clameurs ? Qu’importe à celui qui peut faire aux hommes un bien éternel, d’être méconnu un instant, et de perdre des suffrages qui lui auraient peut-être mérité des honneurs de quelques jours ? Regrettera-t-il qu’on l’ait empêché d’être utile ? Mais il le sera bien plus sûrement encore en remplissant sa noble carrière. Qu’il ait donc le courage de braver la calomnie comme la persécution, et de n’y voir qu’une preuve glorieuse de ses services, plus attestés par ces cris des ennemis de la chose publique, toujours éclairés sur leurs intérêts, que par les applaudissements de ses faibles amis, souvent si faciles à égarer.