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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/16

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de l’influence de la révolution

rer en sens contraire, était précisément celui où il pouvait être utile de discuter tranquillement les conséquences de ce grand événement, et je vais tâcher d’être prophète de sang-froid.

Le prix proposé par M. l’abbé Raynal, sur le bien et le mal qui ont résulté pour l’Europe de la découverte du Nouveau-Monde, avait excité mon intérêt ; j’avais osé entreprendre de résoudre cette question, mais j’ai senti que ce travail était au-dessus de mes forces, et je n’ai sauvé de l’incendie que le chapitre où j’examinais l’influence que l’indépendance de l’Amérique aurait sur l’humanité, sur l’Europe, sur la France en particulier, et l’analyse des principes d’après lesquels j’essayais de trouver une méthode de mesurer les différents degrés du bonheur public.

Une nation prise en corps étant un être abstrait, elle ne peut être ni heureuse ni malheureuse. Ainsi, quand on parle du bonheur d’une nation collectivement, on ne peut entendre que deux choses : ou une espèce de valeur moyenne, regardée comme le résultat du bonheur et du malheur des individus ; ou les moyens généraux de bonheur, c’est-à-dire de tranquillité et de bien-être que le sol, les lois, l’industrie, les rapports avec les nations étrangères, peuvent offrir à la généralité des citoyens. Il suffit d’avoir quelque idée de justice pour sentir que l’on doit s’en tenir au dernier sens.