Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
d’amérique sur l’europe.

pour empêcher ces motifs de balancer ses avantages réels. Nos manufactures sauront bientôt se plier au goût et aux besoins des Américains, que nos commerçants apprendront à connaître et à prévenir.

La communication des deux langues peut être facilitée par l’établissement de colléges dans quelques-unes de nos villes, où les Américains feraient élever leurs enfants, où ils les enverraient même en grand nombre, si tout enseignement religieux en était exclu.

La religion ne doit pas être longtemps un obstacle : le dogme le plus cher aux Américains, celui auquel ils tiennent le plus, est le dogme de la tolérance, ou plutôt de la liberté religieuse ; car chez ce peuple, conduit plus qu’aucun autre par la raison seule, le mot de tolérance paraît presque un outrage à la nature humaine. Or, pourquoi désespérerait-on de voir la tolérance (qu’on me pardonne ici ce mot européen) s’établir bientôt dans notre patrie ? N’exister-elle pas aujourd’hui dans l’Ancien Monde depuis le Kamtschatka jusqu’à l’Islande, depuis la Laponie jusqu’à l’Apennin ? Les princes de la maison de Hugues Capet sont les seuls grands souverains qui ne l’aient pas encore appelée dans leurs États. Mais en France, la voix unanime de tous les hommes éclairés dans le clergé, dans la noblesse, dans la magistrature, dans le commerce, sollicite cette révolution avec force et sans relâche. Ces sollicitations seront-elles inutiles ? Ne doit-on pas espérer plutôt que le gouvernement cédera aux motifs de justice et d’utilité qu’on lui présente, et même que la tolérance s’éla-