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sur l’esclavage des Negres

punition décernée par des juges, choiſis parmi les Noirs. Les vices des eſclaves diſparoîtroient avec ceux du maître ; bientôt il ſe trouveroit au milieu d’amis attachés à lui juſqu’à la paſſion, fideles juſqu’à l’héroïſme. Il montreroit, par ſon exemple, que les terres les plus fertiles ne ſont pas celles dont les cultivateurs ſont les plus miſerables, & que le vrai bonheur de l’homme eſt celui qui ne s’achete point aux dépens du bonheur de ſes freres. Au bruit des fouets, aux hurlemens des Negres, ſuccéderoient les ſons doux & tendres de la flûte des bords du Niger. Au lieu de cette crainte ſervile, de ce reſpect plus humiliant pour celui qui le reçoit, que révoltant pour ceux que la force contraint à le rendre ; au lieu de ce ſpectacle de ſervitude, de férocité, de proſtitution & de miſere, que ſa préſence a fait diſparoître, il verroit naître autour de lui la ſimplicité groſſiere, mais ingénue de la vie patriarcale ; partout des familles heureuſes de travailler & de ſe repoſer enſemble, viendroient frapper ſes regards attendris. Le ſentiment de l’honnêteté, l’amour de la vertu, l’amitié, la tendreſſe maternelle ou filiale, tous les ſentimens