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sur l’esclavage des Negres

ou à la mort, qu’avons-nous beſoin de connoître les détails des habitations, pour ſavoir tout ce que ces infortunés éprouvent d’outrages, pour avoir droit de nous élever contre leurs tyrans, & pour être diſpenſés de plaindre les colons, quand même l’affranchiſſement entraîneroit leur ruine absolue. Il s’agit pour le Negre de la liberté, de la vie ; il ne s’agit pour l’Européen que de quelques tonnes d’or, & c’eſt le ſang de l’innocent qu’on met en balance avec l’avarice du coupable. Doux apologiſtes de l’esclavage des Noirs, ſuppoſez vous pour un inſtant aux galeres, & que vous y ſoyez injuſtement, ſuppoſez enſuite que votre bien m’ait été donné ; que penſeriez-vous de moi, ſi j’allois mettre en principe que vous devez reſter toujours à la chaîne quoiqu’innocens, parce qu’on ne peut vous en faire ſortir ſans me ruiner ? Voilà cependant le beau raiſonnement avec lequel, dans vos mémoires clandeſtins, vous combattez les intentions bienfaiſantes des rois & des ministres, vous ſurprenez, dans les pays où la preſſe n’eſt point libre, des défenſes de combattre vos principes criminels, & certes en cela du moins, vous vous êtes rendu juſtice.