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Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/18

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Réflexions

légitime, que c’eſt au contraire l’infame commerce des brigands d’Europe qui fait naître entre les Africains des guerres preſque continuelles, dont l’unique motif eſt le deſir de faire des priſonniers pour les vendre. Souvent les Européens eux-mêmes fomentent ces guerres par leur argent ou par leurs intrigues ; enſorte qu’ils ſont coupables, non-ſeulement du crime de réduire des hommes à l’eſclavage, mais encore de tous les meurtres commis en Afrique pour préparer ce crime. Ils ont l’art perfide d’exciter la cupidité & les paſſions des Africains, d’engager le pere à livrer ſes enfans, le frere à trahir ſon frere, le prince à vendre ſes ſujets. Ils ont donné à ce malheureux peuple le goût deſtructeur des liqueurs fortes, ils lui ont communiqué ce poiſon qui, caché dans les forêts de l’Amérique, eſt devenu, graces à l’active avidité des Européens, un des fléaux du globe, & ils oſent encore parler d’humanité.

Quand bien même l’excuſe que nous venons d’alléguer diſculperoit le premier acheteur, elle ne pourroit excuſer ni le ſecond acheteur, ni le colon qui garde le Negre, car ils n’ont pas le motif préſent d’enlever à la