Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
Réflexions

qui les gouvernent. Il ſeroit aiſé d’établir cette vérité par des exemples, en parcourant tous les peuples, depuis l’Angleterre juſqu’au Mogol, depuis la principauté de Neuchâtel juſqu’à la Chine ; ſeulement plus le ſol eſt bon, plus la nation a de facilités naturelles pour le commerce, plus il faut auſſi que les loix ſoient mauvaiſes pour rendre le peuple pareſſeux. Il faudroit, par exemple, pour détruire l’induſtrie des Normands et des Hollandois, de bien plus mauvaiſes loix que pour détruire celle des Neuchatelois & des Savoyards.

La deuxieme raiſon en faveur de l’eſclavage des Negres ſe tire de la nature des cultures établies dans les Iſles. Ces cultures, dit-on, exigent de grands ateliers, & le concours d’un grand nombre d’hommes raſſemblés. D’ailleurs, leurs produits étant ſujets à ſ’altérer en peu de tems, ſi la culture étoit laiſſée à des hommes libres, la récolte dépendroit du caprice des ouvriers. Cette ſeconde raiſon ne peut ſéduire aucun homme capable de réflexion, ni même quiconque n’a point paſſé la vie entiere dans l’enceinte d’une ville. D’abord on auroit prouvé la même