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sur l’esclavage des Negres

ſéduite par les moines, au point de conſerver encore ſon orgueil, & de ne sentir ni ſon aviliſſement ni ſes malheurs ? Heureuſe l’Eſpagne & l’Europe entiere, ſi Charles-Quint, au lieu d’écouter la fauſſe politique qui lui conſeilla de troubler l’Europe pour des querelles religieuſes, en le flattant d’élever par-là ſa puiſſance sur les débris de ses voisins, il eut pris pour guide une raiſon plus éclairée, une politique plus ſaine, s’il n’eût vu dans Luther & ſes diſciples[1] que des réforma-

  1. On ne peut nier que les premiers réformateurs n’aient conſervé, en grande partie, l’eſprit fanatique & persécuteur de l’égliſe Romaine. L’aſſaſſinat juridique de Servet, machiné de ſang-froid par Calvin, l’apologie que Beze en publia dans le tems même où la France étoit couverte d’échafauds, dreſſés pour les Calvinistes, les supplices préparés en Angleterre aux Antitrinitaires : tous ces crimes ont déshonoré la naiſſance de la réformation. Mais il ne faut pas oublier que ce Luther, ſi violent dans ſes écrits, ſi emporté dans ſa conduite, ne perſécuta personne, que Mélancton prêcha la tolerance & la paix, que Zwingle, qui mourut en combattant pour ſon pays, eut le courage de s’élever publiquement dans ſes ſermons contre cet indigne usage, ſi an-