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soient de rendre à la raison toute sa liberté, elles consentoient que sa prison fût moins étroite : la chaîne n’étoit pas brisée ; mais elle étoit moins pesante et plus prolongée. Enfin, dans ces pays où il avoit été impossible à une religion d’opprimer toutes les autres, il s’établit ce que l’insolence du culte dominateur osa nommer tolérance, c’est-à-dire, une permission donnée par des hommes à d’autres hommes de croire ce que leur raison adopte, de faire ce que leur conscience leur ordonne, de rendre à leur dieu commun l’hommage qu’ils imaginent lui plaire davantage. On put donc alors y soutenir toutes les doctrines tolérées, avec une franchise plus ou moins entière.

Ainsi l’on vit naître en Europe une sorte de liberté de penser, non pour les hommes, mais pour les chrétiens : et, si nous exceptons la France, c’est pour les seuls chrétiens que par-tout ailleurs elle existe encore aujourd’hui.

Mais cette intolérance força la raison humaine à rechercher des droits trop long-temps oubliés, ou qui plutôt n’avoient ja-