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Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/26

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dans l’étude des opinions anciennes. Mais ne doit-elle pas proscrire également le préjugé qui rejeteroit avec orgueil les leçons de l’expérience ? Sans doute, la méditation seule peut, par d’heureuses combinaisons, nous conduire aux vérités générales de la science de l’homme. Mais, si l’observation des individus de l’espèce humaine est utile au métaphysicien, au moraliste, pourquoi celle des sociétés le leur seroit-elle moins ? Pourquoi ne le seroit-elle pas au philosophe politique ? S’il est utile d’observer les diverses sociétés qui existent en même temps, d’en étudier les rapports, pourquoi ne le seroit-il pas de les observer aussi dans la succession des temps ? En supposant même que ces observations puissent être négligées dans la recherche des vérités spéculatives, doivent-elles l’être, lorsqu’il s’agit d’appliquer ces vérités à la pratique et de déduire de la science, l’art qui en doit être le résultat utile ? Nos préjugés, les maux qui en sont la suite, n’ont-ils pas leur source dans les préjugés de nos ancêtres ? Un des moyens les plus sûrs de nous détromper des uns, de prévenir les autres, n’est-il pas de nous en développer l’origine et les effets ?