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senter les trois autres saisons de l’année. Mais, comme ces sujets sont aussi tirés de l’Écriture sainte, et que M. Loir ne les a pas spécifiés, les curieux ne seront pas fâchés d’apprendre que, pour représenter le Printemps, M. Poussin avoit pris pour sujet la création de l’homme et les délices du paradis terrestre, ce qui est pris du troisième chapitre de la Genèse ; qu’ensuite il avoit figuré l’Été en représentant la moisson où se trouvèrent Booz, Bethléemite, et Ruth, fille moabite, ce qui est tiré du second chapitre de Ruth et qu’enfin M. Poussin avoit représenté l’Automne en figurant Caleb, fils de Jephone, de la tribu de Juda, qui revient avec Josué de la terre de promission, dont ils ont heureusement fait la découverte, et d’où ils rapportent plusieurs fruits qu’ils y ont cueillis, comme il est marqué dans le treizième chapitre des Nombres.

Le discours de M. Loir faisoit donc remarquer que le sujet du Déluge, choisi pour figurer l’hiver, étoit une matière très stérile, parce qu’une pluie continuelle et un temps couvert, inséparables du déluge, ôtoient le moyen de faire paroître avantageusement des objets agréables. Aussi, comme dans cet ouvrage on ne voit pas de grandes figures dont les parties puissent être examinées dans leur détail, M. Loir dit qu’il marqueroit simplement de quelle façon le peintre a traité son sujet pour représenter en quel état pouvoient paroître l’air et la terre, lorsqu’une si grande abondance d’eau fit une inondation universelle.

Il ajouta qu’il parleroit succinctement de la disposition générale de tout le corps du tableau, du peu de figures qu’on y voit et qui représentent des personnes qui se noient ou qui tâchent à se sauver ; qu’il ne diroit qu’un mot de la distribution de la lumière, qui ne paroît que comme dans un brouillard fort épais au travers des nuages ; qu’il marqueroit aussi de quelle sorte elle se répand et qu’enfin il passeroit à la judicieuse économie des couleurs dans tous les objets du tableau.

Il fit donc remarquer l’harmonie du tout ensemble, et que, comme l’air semble être privé de lumière, les nuages, l’eau et la terre sont presque d’une même teinte, que les arbres, battus d’un violent orage et d’une pluie continuelle, sont tous penchés sur la terre ; que les roches sont lavées et comme