ment toqué de son bateau, aussi. Dites-lui que je suis-là, à le regarder… »
« Comptez sur moi, Mme Dunbar. Seulement fermez cette fenêtre, soyez sage. Vous allez sûrement attraper froid si vous ne le faites pas, et le capitaine ne sera pas très content de sortir d’un naufrage pour vous trouver toussant et éternuant au point de ne pas seulement pouvoir lui dire combien vous êtes heureuse. Si vous pouviez me donner un bout de ruban pour attacher mon lorgnon à mes oreilles et je pars… »
Comment il arriva à bord, je n’en sais rien. Trempé, secoué, énervé et hors d’haleine, il arriva à bord. Le navire donnait de la bande, balayé d’écume, mais ne bougeant guère ; juste de quoi vous agacer les nerfs… Il les trouva tous en groupe sur le rouf d’avant dans leurs suroîts luisants, avec des figures retournées. Le capitaine Harry ne peut en croire ses yeux. Quoi ? M. Cloete. « Que faites-vous ici, au nom du ciel… » « Votre femme est sur le rivage et vous regarde », halète Cloète : et après avoir parlé un peu, le capitaine Harry trouve que c’est vraiment courageux et gentil de la part de l’associé de son frère d’être venu comme cela. Il est heureux d’avoir quelqu’un à qui parler… « Mauvaise affaire, M. Cloete », dit-il. Cloete se réjouit d’entendre cela. Le capitaine croit qu’il a fait tout ce qu’il pouvait, mais la chaîne s’est rompue quand il a voulu ancrer le navire. C’est une rude épreuve que de perdre un navire. Il tâchera de la supporter. De temps à autre, il pousse un profond soupir. Cloete est presque attristé d’être venu à bord parce que d’être sur cette épave lui contracte la poitrine sans cesse. Ils se mettent à l’abri sous le vent de l’embarcation de bâbord, un peu à l’écart des matelots. La chaloupe de sauvetage était repartie après avoir amené Cloete, mais devait revenir à la marée suivante pour prendre l’équipage si on ne pouvait réussir à remettre le bateau à flot. Le soir tombait ; un jour d’hiver ; un ciel noir, le vent s’élève. Le capitaine Harry se sent tout chaviré. « Que la volonté de Dieu soit faite. S’il faut le laisser sur les rochers, il le faut. Un homme doit accepter ce que Dieu lui envoie, courageusement ». Soudain sa voix se brise, il serre le bras de Cloete. « Il me semble que je ne pourrai pas le quitter », murmure-t-il. Cloete regarde autour de lui les matelots comme un troupeau de moutons débandés, et il songe en lui-même : « Ils ne voudront pas rester ». Soudain le navire se soulève un peu et s’abaisse avec une secousse. La marée montante. Tous commencent à regarder si l’on voit le canot de sauvetage. Quelques-uns l’aperçoivent là-bas et aussi deux remorqueurs. Mais la tempête a repris, et tous savent qu’aucun remorqueur ne se risquera à approcher le navire.