brusquement que le vieillard était parfaitement sourd. Pendant tout ce temps, la servante se débattait, et lui envoyait des coups de pied dans les jambes avec une rage muette de furie plus qu’avec une réserve de jeune fille. Il continuait à la tenir ferme, averti par son instinct que s’il la lâchait, elle lui sauterait aux yeux. Et cette situation l’humiliait singulièrement. La jeune fille finit pourtant par rester tranquille, moins par raison que par épuisement. D’Hubert essaya de se tirer du cauchemar par la voie des négociations.
— Écoutez-moi, fit-il avec tout le calme qu’il put trouver en lui. Voulez-vous me promettre de courir à la recherche d’un chirurgien, si je vous laisse aller ?
Il éprouva une affliction sincère à entendre la jeune fille déclarer qu’elle n’en ferait rien. Au contraire, elle affirma, entre ses sanglots, son intention de rester dans le jardin, et de lutter bec et ongles pour la protection du vaincu. Une telle obstination était désolante.
— Ma chère enfant, cria-t-il avec désespoir, est-il possible que vous me croyiez capable d’assassiner un adversaire blessé ?... Quelle... Voulez-vous rester tranquille, espèce de petit chat sauvage !
Ils luttaient. Une voix épaisse, endormie, dit derrière leur dos :
— Qu’est-ce que vous faites à cette fille ?
Le lieutenant Féraud s’était arc-bouté sur son bras valide. Il regardait d’un air hébété son autre bras, le désordre de son uniforme ensanglanté, une petite flaque rouge étalée à terre, et son sabre tombé à deux pas dans l’allée. Puis il se recoucha doucement pour réfléchir à tous ces problèmes, autant du moins que le lui permettait un affreux mal de tête.
D’Hubert lâcha l’Alsacienne qui s’accroupit aussitôt près de l’autre lieutenant. Les ombres de la nuit tombaient sur le joli jardin et noyaient le tendre groupe, d’où s’échappaient des murmures étouffés de chagrin et