Aller au contenu

Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tira d’un pas difficile en s’évanouissant dans les bras de ses proches, et fut emporté dans son lit. Il n’en sortit pas avant que le second règne de Napoléon, les Cent-Jours d’agitation fiévreuse et d’effort suprême eussent passé comme un rêve terrifiant. La tragique année 1815 commencée dans le trouble et l’inquiétude de conscience, se terminait en proscription vengeresse.

Comment le général Féraud échappa aux griffes de la commission spéciale, et au suprême office du peloton d’exécution, il ne le sut jamais lui-même. Il le dut en partie au rôle effacé qui lui avait été assigné pendant les Cent-Jours. L’Empereur ne lui donna pas de commandement actif, mais l’employa au dépôt de cavalerie de Paris, à remonter et à expédier vivement au front les troupiers exercés. Considérant sa tâche comme indigne de ses talents, il s’en acquitta sans zèle excessif. Mais ce qui contribua surtout à le sauver des excès de la réaction royaliste, ce fut l’intervention du général d’Hubert.

Encore en congé de convalescence, bien qu’en état de voyager, ce dernier avait été dépêché par sa sœur à Paris, pour se présenter à son souverain légitime. Comme personne ne pouvait avoir eu vent, dans la capitale, de l’épisode de l’écurie, il fut reçu avec honneur. Militaire au fond de l’âme, la perspective de s’élever dans sa carrière le consolait de se trouver en butte à la malveillance des bonapartistes, qui le poursuivait avec une inexplicable insistance. Toute la rancœur de ce parti aigri et persécuté désignait en lui l’homme qui n’avait jamais aimé l’Empereur, une sorte de monstre pire que le dernier des traîtres.

Le général d’Hubert haussait les épaules sans colère devant cette féroce calomnie. Repoussé par ses anciens amis, et fort méfiant des avances de la société royaliste, le jeune et beau général (il avait quarante ans à peine) adopta une attitude de froide et cérémonieuse courtoisie que le moindre soupçon d’hostilité transformait en une