signe d’assentiment. Plus tard dans la journée, se trouvant seuls hors de portée des oreilles de leur irascible ami, le cuirassier déclara tout à coup :
— D’ordinaire, j’y vois aussi bien avec mon seul œil que tout le monde. Mais cette histoire me dépasse ; il ne veut rien dire.
— Dans cette affaire, je me suis laissé dire qu’il y avait eu, du commencement à la fin, quelque chose que personne à l’armée ne comprenait tout à fait, commenta le chasseur au nez incomplet. Elle a commencé dans le mystère, s’est poursuivie dans le mystère et doit apparemment finir dans le mystère.
Le général d’Hubert retournait chez lui à grands pas pressés. Il ne se sentait soulevé par aucun sentiment de triomphe ; il avait vaincu, et ne croyait pas avoir gagné beaucoup par sa victoire. La nuit précédente, il répugnait à risquer une vie qui lui apparaissait délicieuse et digne d’être conservée pour conquérir un amour de jeune fille. Il avait traversé des minutes où, par une merveilleuse illusion, cet amour lui semblait déjà conquis, et où son existence compromise acquérait une capacité d’adoration plus prodigieuse encore. Sa vie maintenant assurée perdait toute magnificence et prenait un aspect particulièrement alarmant ; on eût dit d’un piège destiné à faire éclater son indignité. Quant à la merveilleuse illusion d’amour dont il s’était un instant leurré dans l’agitation d’une nuit qui aurait pu être sa dernière sur terre, il en comprenait maintenant l’ironie. Ce n’était que le paroxysme d’une vanité en délire. Ainsi, à cet homme calmé par l’heureuse issue d’un duel, la vie paraissait dépouillée de tout charme, simplement parce qu’elle n’était plus menacée.
Abordant la vieille demeure par le verger et le potager, il ne put remarquer l’agitation qui régnait sur la façade. Il ne rencontra pas une âme. Mais dans le corridor où il étouffait ses pas, il s’avisa soudain que