Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/59

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Jukes il s’arrêta net, le regard fixé à l’avant mais ne répondit pas.

— « Holà ! En voilà une sérieuse ! » dit Jukes qui, pour bien accueillir la lame, prit du balant jusqu’à toucher le plancher d’une main. Cette fois le premier lieutenant émit du fond de la gorge un bruit de nature peu cordiale.

C’était un petit homme vieillot et minable, aux dents gâtées, à la face glabre. On l’avait embarqué en hâte à Shang-Haï le jour même de l’accident qui avait privé le Nan-Shan du premierr lieutenant amené d’Angleterre. Ce malheureux avait trouvé le moyen (d’une façon que le capitaine ne put jamais comprendre) de tomber dans un chaland à charbon vide rangé le long du bord, de sorte qu’on avait dû l’envoyer à l’hôpital avec un ou deux membres brisés et une lésion cérébrale.

Jukes ne fut pas découragé par le grognement hargneux du nouveau premier.

— « Les Chinois doivent s’en payer là en bas », dit-il, « c’est heureux pour eux que le rafiau ait le roulis le plus doux de tous les navires sur lesquels j’ai jamais