Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/93

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Jukes sentit un bras encercler pesamment ses épaules. Il répondit pertinemment à cette avance en saisissant son capitaine par la taille.

Tous deux se tinrent enlacés ainsi dans la nuit aveugle, se prêtant appui réciproque contre le vent, joue à joue, lèvre contre oreille, à la manière de deux pontons amarrés proue contre poupe.

Et Jukes perçut, à peine un peu plus distincte que tout à l’heure, la voix de son chef ; pourtant plus proche semblait-il, et comme ayant enfin traversé cet écartement forcené que mettait entre eux la tourmente, voix qui traînait encore son pacifiant hâlo autour d’elle.

— « Savez-vous où sont les hommes ? » disait la voix, vigoureuse et défaillante à la fois, victorieuse du vent, puis tout aussitôt emportée.

Jukes n’en savait rien. Chacun d’eux était sur le pont lorsqu’avait foncé la tempête. Il ne soupçonnait pas où les autres pouvaient s’être tapis. Pour le service qu’on pouvait attendre d’eux présentement, autant dire qu’ils n’étaient