Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/96

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au-dessus de nos têtes mystérieusement, s’abattit soudain sur le navire comme eût fait un oiseau de proie. Un cri de Jukes y répondit :

— « S’il en sort vivant !… »

L’exclamation jaillit malgré lui de sa poitrine, involontaire autant qu’une pensée, et qu’il n’entendit lui-même pas.

Pensée, velléité, effort, tout fut tout aussitôt confisqué, et la vibration imperceptible de son cri acquise à la vague immense de l’air.

Pourquoi ce cri ? Qu’en espérait Jukes ? Rien certes ; ce cri ne comportait point de réponse. Pourtant, quelques instants après, à sa grande stupeur, une voix atteignit son oreille, un son frêle mais résistant, pygmée insoumis au géant tumulte :

— « Il peut. »

C’était comme un jappement sourd, moins saisissable qu’un murmure. Mais voici qu’elle reprenait, cette voix à demi submergée et qui luttait contre les bruits de la tourmente comme un navire contre les vagues :

— « Faut l’espérer » criait l’imperturbable