Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/146

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sur Jeanne ; pas un pli n’avait paru ou disparu sur le front de la souveraine que de Coninck ne l’eût saisi et gravé dans sa mémoire. Il avait lu sur ses traits altérés, sa colère, ses désirs et ses projets, et déjà il savait que messire de Châtillon serait l’exécuteur de ses volontés ; dès cet instant, aussi, il songeait aux moyens qui pourraient déjouer sa ruse ou sa violence.

Quelques instants après cette petite scène à laquelle le roi était resté complétement étranger, les princes descendirent de cheval et montèrent sur le trône élevé pour eux au milieu de la place. Les écuyers, les pages et les dames d’honneur se disposèrent en deux rangs sur les marches ; mais les chevaliers restèrent à cheval autour de l’estrade royale. Lorsque chacun eut pris la place qui lui était destinée, les magistrats s’avancèrent avec les jeunes filles chargées de représenter la ville de Bruges, et présentèrent aux princes français les clefs des portes de la cité, posées sur un riche coussin de velours. Au même instant les renommées sonnèrent derechef de la trompette, et les léliards crièrent une seconde fois :

— Vive le roi ! Vive la reine :

Un morne silence régnait parmi la foule : on eût dit que les bourgeois de la bonne ville de Bruges, obéissant à un mot d’ordre, voulaient ainsi témoigner leur indifférence ou leur mécontentement, ils atteignirent pleinement leur but ; car, dès lors,