Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/190

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— À mort ! à mort ! hurlaient-ils avec rage ; à mort le traître de Coninck !

La vie du doyen des tisserands était en grand péril ; cependant il vit s’élancer vers lui cette foule avide de son sang sans que sa physionomie laissât paraître la moindre émotion. Pareil à un homme qui jette un regard de pitié sur des insensés, il croisa les bras sur sa poitrine, et fixa un regard calme et presque indifférent sur les furieux qui s’approchaient. Du sein des groupes s’élevait avec une fureur croissante le terrible cri :

— À mort le traître !

Et déjà la hache menaçait la tête du grand homme. Il restait cependant immobile, impassible, inébranlable ; ainsi le chêne superbe brave la colère et les efforts de l’ouragan, ainsi du haut du rempart sur lequel il s’était placé, de Coninck dominait la foule comme un juge.

En ce moment, une étrange expression se peignit sur le visage de Breydel. On eût dit que, tout à coup, il avait perdu tout sentiment ; la hache pendait oubliée à son côté. Il admirait la grandeur de l’homme dont il voulait combattre les conseils. Mais cette hésitation fut rapide comme l’éclair : soudain il reconnut le danger que courait son ami. Il renversa à ses pieds le boucher qui, déjà, levait sa hache sur de Coninck et s’écria :

— Arrêtez ! arrêtez !

Cet ordre se perdit d’abord au milieu du tumulte, une voix ne pouvait se faire entendre, si puissante