Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/221

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anxieuse sur les dés roulants, pendant que le cœur des joueurs battait d’émotion. Au premier coup, le sort parut se déclarer pour Jehan, car il amena dix et son camarade cinq. Pendant qu’il se livrait à la joie de regagner ce qu’il avait perdu, il vit le Breton porter hypocritement les dés à sa bouche et les mouiller d’un côté. Une violente colère et le désir de la vengeance colorèrent ses joues d’une ardente rougeur, en découvrant les ruses déloyales qui l’avaient fait perdre. Il feignit toutefois de n’avoir rien vu, et dit :

— Jette donc, qu’attends-tu ? La crainte de perdre te prend-elle ?

— Non, non ! s’écria le Breton en laissant rouler adroitement les dés de ses mains. La chance peut tourner ; vois-tu douze.

À son tour Jehan jeta les dés sur la table avec indifférence. Malheureusement il n’amena que six, le Breton ramassa le bijou sur table avec de joyeuses exclamations et le cacha sous sa cuirasse. Jehan le félicita sur sa chance au jeu, et ne parut pas affligé de cette perte ; une colère sourde brûlait dans sa poitrine, et il ne se contint qu’avec beaucoup de peine. Pendant que le joyeux gagnant parlait avec un autre camarade, Jehan glissa quelques mots dans les oreilles de ceux qui l’entouraient, et ses regards semblaient attirer leur attention sur le Breton. Alors il cria :

— Puisque tu m’as tout gagné, camarade, tu ne