Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/350

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fuyait en désordre, et il s’y trouvait une multitude de femmes et d’enfants. Les femmes poussaient de lamentables gémissements et d’affreux cris de douleur autour d’une civière portée par des hommes. Bien que le motif de la prise d’armes eût disparu, les gens des métiers restaient toujours dans les rangs : ils s’appuyaient sur leurs armes et attendaient avec curiosité l’explication de ce qui se passait. Enfin le cortége arriva devant le front de l’armée, et, tandis que beaucoup de femmes et d’enfants pénétraient dans les rangs pour embrasser leur époux ou leur père, un épouvantable spectacle se dévoila au milieu de la foule.

Quatre hommes apportèrent la civière à quelque distance du doyen des bouchers, et déposèrent sur le sol deux cadavres de femmes ; leurs vêtements étaient souillés de larges taches de sang ; on ne pouvait voir leurs traits car un voile noir recouvrait leurs têtes. Pendant qu’on enlevait les cadavres de la civière, les femmes remplissaient l’air de cris de douleur ; on n’entendit d’abord que de plaintives exclamations. Enfin une voix s’écria :

— Les étrangers les ont assassinées !

Cette révélation alluma la rage et la soif de la vengeance parmi les gens des métiers qui, jusque-là, avaient attendu avec stupéfaction ; mais le doyen Breydel se tourna vers eux et s’écria :

— Le premier qui quitte son rang sera sévèrement puni