Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/390

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bout. Les corps des victimes en avaient été détachés et étaient déjà inhumés ; mais on y avait laissé à dessein les cordes, souvenirs de la tyrannie. L’étendard portant le Lion de Bruges fut planté à côté de l’instrument de supplice, et salué par de nouvelles acclamations. De Coninck, après avoir de nouveau levé les yeux vers le drapeau reconquis, s’agenouilla lentement, inclina la tête et se mit à prier, les mains jointes.

Quand on lance une pierre dans une eau dormante le mouvement se propage en cercles tremblants sur toute la surface. La pensée et l’intention de de Coninck se répandit de même dans la multitude des citoyens qui l’entouraient, bien que la plupart ne pussent le voir. Ceux qui se trouvaient le plus rapprochés de lui s’agenouillèrent et firent silence d’abord, et communiquèrent l’impulsion à d’autres, si bien que toutes les têtes s’inclinèrent successivement. Les voix se turent d’abord au centre de l’immense cercle et allèrent toujours diminuant, jusqu’à ce que le plus grand silence régnât dans la foule. Des milliers de genoux touchaient ce sol encore ensanglanté, des milliers de têtes s’humiliaient devant le Dieu qui a créé l’homme pour la liberté. Quel harmonieux concert dut retentir en ce moment devant le trône du Seigneur ! Combien agréable dut être pour lui cette solennelle prière qui montait vers lui comme un doux murmure et un saint hommage ! De Coninck se releva bientôt, et, pendant que le