Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/392

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foule s’ouvrait respectueusement devant lui, et partout les citoyens le saluaient d’acclamations enthousiastes. Alors tout le monde se précipita vers l’étendard qui était planté à côté de la potence ; chacun à son tour vint contempler avec orgueil le Lion de Bruges, et regarda d’un œil ému cet emblème de la cité, comme on regarde le visage d’un ami qui, après un long voyage, revient de l’étranger au milieu de ses frères. Toutes les mains s’étendaient vers le drapeau et le saluaient de loin de gestes enthousiastes qui eussent paru insensés à un homme calme et indifférent de ce qui venait de se passer.

Bientôt des compagnons, qui étaient déjà allés chercher du vin, arrivèrent sur le marché avec leurs cruches, et répandirent la joyeuse nouvelle qu’à la halle on distribuait une mesure par homme. Une heure après, chacun avait son hanap en main. Ainsi finit cet heureux jour sans désordres ni querelles : il n’y avait qu’un même sentiment dans tous les cœurs, le sentiment qui inonde l’âme du captif d’une délicieuse émotion, quand il revoit le soleil briller au-dessus de sa tête, et qu’il comprend qu’il n’a plus que le monde pour prison.