Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/568

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Adolphe mourant, mais la jeune comtesse, qui ouvrait les yeux en ce moment, comprit son intention, s’arracha des mains des religieuses et, s’attachant à Robert, elle s’écria :

— Laissez-moi vous accompagner, mon père ! Permettez qu’il me revoie une fois encore. Malheureuse que je suis ! quel glaive de douleur perce mon cœur ! Mon père, je succombe avec lui ; je sens déjà la mort en moi, je veux le voir ; hâtez-vous, venez, venez vite !… Il se meurt… lui… Adolphe !

Robert jeta sur sa fille un regard de compassion. Il ne lui restait plus de doute sur le sentiment secret qui s’était lentement enraciné dans le cœur de sa fille. Cette certitude n’éveilla en lui ni déplaisir ni colère. Dans l’impossibilité de consoler sa fille par des paroles, il la pressa avec effusion sur son sein ; mais Mathilde se dégagea bientôt de cette tendre étreinte ; elle attira Robert par la main en s’écriant :

— Ô mon père, ayez pitié de moi ! Venez, afin que j’entende une fois encore la voix de mon frère bien-aimé, et que ses yeux puissent me voir encore dans ce monde !

Elle se jeta à ses genoux et reprit, en versant un torrent de larmes :

— Je vous en supplie, ne repoussez pas ma prière ; écoutez-moi, ô mon Seigneur et père !

Robert eût préféré laisser sa fille aux soins des religieuses, car il craignait, avec raison, que la vue du chevalier mourant ne lui causât une trop forte