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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/202

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ces jours inouïs, toutes les mauvaises passions à l’œuvre, sans déguisement et sans vergogne ? N’ai-je pas vu le plus grand des crimes, la calomnie, légitimé par la lutte comme le meurtre est légitimé par la guerre ? N’ai-je pas vu la cause la plus sacrée, la cause de l’élévation de la Flandre, cette aspiration de ma jeunesse, ce labeur de mes années viriles ?… Mais, taisons-nous !… J’ai une blessure au cœur : elle pourrait se rouvrir et saigner. Évoquons plutôt de doux souvenirs.

J’ai passé trois mois dans la Bruyère : — Vous savez, cette belle contrée où l’âme rentre en elle-même et jouit d’un délicieux repos ; où tout respire le calme et la paix ; où l’âme, en présence de la création immaculée de Dieu, secoue le joug des convenances, oublie la société et se dégage de ses liens avec la vigueur d’une jeunesse renaissante ; où chaque pensée revêt la forme de la prière ; où tout ce qui n’est pas en harmonie avec la fraîche et libre nature sort du cœur ?

Oh ! là, l’âme fatiguée rencontre la tranquillité ; là, l’homme épuisé retrouve une force juvénile.

Ainsi se sont passés mes jours de maladie, jours d’indicible jouissance pour mon âme : sourire au soleil quand, dans toute sa majesté, il lance au-dessus de l’horizon ses premiers rayons ; épier la nature qui s’éveille et surprendre les premiers accents de l’hymne magnifique qu’elle adresse au ciel : parcourir bruyères et forêts ; interroger mon âme — et penser ; — scruter et admirer la vie des plantes et des animaux, aspirer l’air pur à pleins poumons, s’arrêter, poursuivre sa route, revenir sur ses pas, et parler tout haut dans la solitude ;