Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/105

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la force, il ôte néanmoins toujours à son action la régularité et la durée.

En recourant à l’arbitraire, les gouvernements donnent les mêmes droits qu’ils prennent. Ils perdent par conséquent plus qu’ils ne gagnent : ils perdent tout.

En disant à un peuple : vos lois sont insuffisantes pour vous gouverner, ils autorisent ce peuple à répondre : si nos lois sont insuffisantes, nous voulons d’autres lois ; et à ces mots, toute l’autorité légitime d’un gouvernement tombe : il ne lui reste plus que la force ; il n’est plus gouvernement. Car ce serait aussi croire trop à la duperie des hommes que leur dire : Vous avez consenti à vous imposer telle ou telle gêne, pour vous assurer telle protection. Nous vous ôtons cette protection, mais nous vous laissons cette gêne. Vous supporterez d’un côté toutes les entraves de l’état social, et de l’autre vous serez exposés à tous les hasards de l’état sauvage.

Tel est le langage implicite d’un gouvernement qui a recours à l’arbitraire.

Un peuple et un gouvernement sont toujours en réciprocité de devoirs. Si la relation du gouvernement au peuple est dans la loi, dans la loi aussi sera la relation du peuple au gouvernement ; mais si la relation du gouvernement au peuple est dans l’arbitraire, la relation du peuple au gouvernement sera de même dans l’arbitraire.

Enfin l’arbitraire n’est d’aucun secours à un gouvernement, sous le rapport de la sûreté des individus qui le composent ; car l’arbitraire n’offre aux individus aucun asile.

Ce que vous faites par la loi contre vos ennemis, vos ennemis ne peuvent le faire contre vous par la loi, car la loi est là, précise et formelle : elle ne peut vous at-