Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/142

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les délits qui attentent à ces droits et qui menacent cette sûreté sont soumis à d’autres formes, jugés par d’autres juges. Un ministre peut se tromper sur la légitimité ou sur l’utilité d’une guerre ; il peut se tromper sur la nécessité d’une cession, dans un traité ; il peut se tromper dans une opération de finance. Il faut donc que ses juges soient investis de la puissance discrétionnaire d’apprécier ses motifs, c’est-à-dire de peser des probabilités incertaines. Mais un ministre ne peut pas se tromper quand il attente illégalement à la liberté d’un citoyen. Il sait qu’il commet un crime. Il le sait aussi bien que tout individu qui se rendrait coupable de la même violence. Aussi l’indulgence, qui est une justice dans l’examen des questions politiques, doit disparaître quand il s’agit d’actes illégaux ou arbitraires. Alors les lois communes reprennent leurs forces, les tribunaux ordinaires doivent prononcer, les peines doivent être précises et leur application littérale[1].


  1. Depuis le jour où ces pages ont été écrites, les conditions de la vie politique ont subi bien des changements ; mais le principe de la responsabilité a toujours été réclamé par l’opinion publique avec une grande insistance. Voir M. Laboulaye, Le parti libéral, au chapitre intitulé : De la responsabilité ministérielle, p. 167 et suiv. Dans ce chapitre, l’auteur discute et combat avec une grande force de logique l’article 13 de la constitution de 1852 où il est dit : « Les ministres ne dépendent que du chef de l’État ; ils ne sont responsables que chacun en ce qui le concerne des actes du gouvernement. ; il n’y a point de solidarité entre eux. »
    (Note de l’éditeur.)