Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/184

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intermédiaire qui pût les calmer. Avec moins de talents ou d’éloquence, les champions des deux castes n’en auraient pas eu moins d’acharnement.

Les partisans de la notabilité croyaient jeter une grande défaveur sur leurs adversaires, en les accusant de ne s’élever contre cette féodalité nouvelle que parce qu’ils craignaient de n’en pas être membres. Mais, quand nous admettrions pour un instant qu’un intérêt ignoble préside toujours aux réclamations des hommes, en faudrait-il moins respecter les réclamations fondées ? Les plébéiens, peut-être, ne luttaient contre les patriciens, qui traitaient leurs débiteurs comme des esclaves, que parce qu’ils n’étaient pas patriciens eux-mêmes. Les Ilotes se plaignaient probablement des Spartiates, parce qu’ils ne faisaient point partie de cette caste favorisée. Mais leurs plaintes en étaient-elles moins justes ? Et qui donc osera prétendre que les opprimés ne réclament que faute d’être au nombre des oppresseurs ! C’est calomnier la nature humaine, dont une partie nombreuse, et la plus excellente, s’indigne des abus, lors même qu’ils tournent à son avantage, et ne veut ni souffrir l’injustice, ni la partager.

Le mode substitué aux listes d’éligibles, et qui a subsisté jusqu’à présent, n’a en rien changé la base de l’élection[1]. C’est toujours un sénat qui nomme et une nation qui ne nomme pas.

Les colléges électoraux présentent des listes ; mais comment sont-ils organisés, ces colléges, et quelle liberté leur est laissée ?

Ils sont présidés par un homme dont la nomination

  1. Au moment où j’écrivais (en 1814), la Chambre des députés, ou, pour mieux dire, l’Assemblée qui devint la Chambre des députés après la promulgation de la Charte, était composée d’hommes élus, sous Bonaparte, par le Sénat.