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Benjamin Constant, avait tenté vainement de sauver La Bédoyère, d’arrêter les excès de la terreur blanche ; sa voix était étouffée par la fureur des partis. Tandis qu’il demandait grâce pour les victimes de la réaction, M. de Chateaubriand, président du collège électorat du Loiret, remettait, au roi, au lendemain même de l’exécution de La Bédoyère, une adresse qu’il avait rédigée au nom de ce collège, et dans laquelle il n’avait pas honte de dire, lui, l’auteur du Génie du Christianisme :

« Sire, vous avez deux fois sauvé la France ; vous allez achever votre ouvrage. Ce n’est pas sans une vive émotion que nous venons de voir le commencement de vos justices. Vous avez saisi ce glaive que le Souverain du ciel a confié aux princes de la terre pour assurer le repos des peuples. »

En présence de pareils faits, Benjamin Constant indigné se réfugia en Angleterre, et c’est là qu’il publia le roman d’Adolphe[1], œuvre capitale, qui lui assure l’un des premiers rangs parmi les romanciers du dix-neuvième siècle.


IV

La France, affolée de royalisme en 1815, ne tarda point à reconnaître, qu’au train dont elle était menée par les ultras, elle ne tarderait pas à perdre jusqu’aux dernières

    cours prévôtales ont procédé exactement comme les tribunaux de Robespierre : même rétroactivité, même mépris des formes légales, même violation de toutes les garanties, y compris celles de l’appel. On aura beau dire, il y a là, dans l’histoire de la Restauration, une tache de sang qu’on n’effacera jamais, et l’on n’a point à s’étonner que Louis XVIII ait autorisé de pareils attentats, quand on se rappelle la conduite qu’il a tenue, avant la révolution, à l’égard de Marie-Antoinette. C’est lui qui a jeté sur la malheureuse reine les premiers et indignes soupçons d’adultère ; et, comme nous l’avons dit ailleurs, entre le prince qui calomniait la mère et le savetier Simon qui torturait l’enfant, l’infamie a rapproché la distance.

  1. Adolphe, anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu, nouvelle édition, suivie des réflexions sur le théâtre allemand et précédée d’une notice sur Benjamin Constant, par Gustave Planche. Paris, Charpentier, 1 vol. in-18. — On a dit avec beaucoup de vraisemblance, que l’auteur s’était peint sous le nom d’Adolphe.