Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/224

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c’est l’autoriser formellement à prêter son assistance à l’erreur.

La liberté complète et entière de tous les cultes est aussi favorable à la religion que conforme à la justice.

Si la religion avait toujours été parfaitement libre, elle n’aurait, je le pense, été jamais qu’un objet de respect et d’amour[1]. L’on ne concevrait guère le fanatisme bizarre qui rendrait la religion en elle-même un objet de haine ou de malveillance. Ce recours d’un être malheureux à un être juste, d’un être faible à un être bon, me semble ne devoir exciter, dans ceux mêmes qui le considèrent comme chimérique, que l’intérêt et la sympathie. Celui qui regarde comme des erreurs toutes les espérances de la religion doit être plus profondément ému que tout autre de ce concert universel de tous les êtres souffrants, de ces demandes de la douleur s’élançant vers un ciel d’airain, de tous les coins de la terre, pour rester sans réponse, et de l’illusion se-

  1. Depuis le jour où Constantin a uni l’Église et l’État, c’est au nom de l’Évangile qu’on a étouffé les consciences, tué, exilé, persécuté des millions d’hommes. On a versé plus de sang au nom de la religion que de la politique. Si l’Église et l’État n’avaient pas mêlé leurs intérêts et leurs passions, si le prince n’avait pas prêté ses bourreaux au prêtre, la chrétienté aurait-elle jamais vu de pareils crimes ? Ces violences, qui ont déshonoré et affaibli la religion, ont-elles au moins scellé l’union de l’Église et l’État ? Non, cet antique mariage n’a été qu’une discorde perpétuelle. L’Église a mis les princes en tutelle ; les princes, à leur tour, ont asservi l’Église ; les papes ont déposé les empereurs, les rois ont chassé et emprisonné les évêques ; depuis trois siècles il’ne s’est point passé vingt ans en France sans que le clergé et l’État n’aient été en guerre. Le règne de Louis XIV, aussi bien que celui de Napoléon, est rempli de ces misérables querellés. Quand l’Église ne domine pas, elle crie à l’oppression ; quand le prince trouve devant lui la conscience qui proteste, il crie à la révolte. Voilà ce que nous apprend une expérience de quinze siècles. Cette expérience est une condamnation. M. Laboulaye, le Parti libéral, p. 45.
    (Note de l’éditeur.)