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Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/231

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tions, dont le partage est ici la douleur, plus loin le néant. Toute communication est rompue entre le passé, le présent et l’avenir : aucune voix ne se prolonge des races qui ne sont plus aux races vivantes, et la voix des races vivantes doit s’abîmer un jour dans le même silence éternel. Qui ne sent que, si l’incrédulité n’avait pas rencontré l’intolérance, ce qu’il y a de décourageant dans ce système aurait agi sur l’âme de ses sectateurs, de manière à les retenir au moins dans l’apathie et dans le silence ?

Je le répète. Aussi longtemps que l’autorité laissera la religion parfaitement indépendante, nul n’aura intérêt d’attaquer la religion ; la pensée même n’en viendra pas ; mais si l’autorité prétend la défendre, si elle veut surtout s’en faire une alliée, l’indépendance intellectuelle ne tardera pas à l’attaquer.

De quelque manière qu’un gouvernement intervienne dans ce qui a rapport à la religion, il fait du mal.

Il fait du mal, lorsqu’il veut maintenir la religion contre l’esprit d’examen, car l’autorité ne peut agir sur la conviction ; elle n’agit que sur l’intérêt. En n’accordant ses faveurs qu’aux hommes qui professent les opinions consacrées, que gagne-t-elle ? d’écarter ceux qui avouent leur pensée, ceux qui par conséquent ont au moins de la franchise. Les autres, par un facile mensonge, savent éluder ses précautions ; elles atteignent les hommes scrupuleux, elles sont sans force contre ceux qui sont ou deviennent corrompus.

Quelles sont d’ailleurs les ressources d’un gouvernement pour favoriser une opinion ? Confiera-t-il exclusivement à ses sectateurs les fonctions importantes de l’État ? mais les individus repoussés s’irriteront de la préférence. Fera-t-il écrire ou parler pour l’opinion qu’il protège ? d’autres écriront ou parleront dans un