Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait être redoutable pour un gouvernement qui croyait nécessaire de conserver ce triste héritage. En général, quand j’affirme que la liberté des journaux est utile au gouvernement, c’est en le supposant juste dans le principe, sincère dans ses intentions, et placé dans une situation où il n’ait pas à maintenir des mesures iniques de bannissement, d’exil, de déportation.

D’ailleurs, l’exemple même, suivi jusqu’au bout, n’invite guère, ce me semble, à l’imitation. Le Directoire s’est alarmé de la liberté des journaux, il a employé la force pour l’étouffer, il y est parvenu ; mais qu’est-il résulté de son triomphe ?

Dans toutes les réflexions que l’on vient de lire, je n’ai considéré ce sujet que sous le rapport de l’intérêt du gouvernement ; que n’aurais-je pas à dire si je traitais de l’intérêt de la liberté, de la sûreté individuelle ? L’unique garantie des citoyens contre l’arbitraire, c’est la publicité ; et la publicité la plus facile et la plus régulière est celle que procurent les journaux. Des arrestations illégales, des exils non moins illégaux, peuvent avoir lieu, malgré la constitution la mieux rédigée, et contre l’intention du monarque. Qui les connaîtra, si la presse est comprimée ? Le roi lui-même peut les ignorer. Or, si vous convenez qu’il est utile qu’on les connaisse, pourquoi mettez-vous un obstacle au moyen le plus sûr et le plus rapide de les dénoncer ?

J’ai cru ces observations dignes de l’attention des hommes éclairés, dans un moment où l’opinion réclame également et des lois suffisantes et une liberté indispensable.

Jamais aucune époque n’offrit plus de chances pour le triomphe de la raison, jamais aucun peuple n’a manifesté un désir plus sincère et plus raisonnable de jouir en paix d’une constitution libre. J’ai donc pensé