Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/316

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noble inquiétude qui nous poursuit et qui nous tourmente, cette ardeur d’étendre nos lumières et de développer nos facultés : ce n’est pas au bonheur seul, c’est au perfectionnement que notre destin nous appelle ; et la liberté politique est le plus puissant, le plus énergique moyen de perfectionnement que le ciel nous ait donné.

La liberté politique soumettant à tous les citoyens, sans exception, l’examen et l’étude de leurs intérêts les plus sacrés, agrandit leur esprit, anoblit leurs pensées, établit entre eux tous une sorte d’égalité intellectuelle qui fait la gloire et la puissance d’un peuple.

Aussi, voyez comme une nation grandit à la première institution qui lui rend l’exercice régulier de la liberté politique. Voyez nos concitoyens de toutes les classes, de toutes les professions, sortant de la sphère de leurs travaux habituels, et de leur industrie privée, se trouver soudain au niveau des fonctions importantes que la constitution leur confie, choisir avec discernement, résister avec énergie, déconcerter la ruse, braver la menace, résister noblement à la séduction. Voyez le patriotisme pur, profond et sincère triomphant dans nos villes et vivifiant jusqu’à nos hameaux, traversant nos ateliers, ranimant nos campagnes, pénétrant du sentiment de nos droits et de la nécessité des garanties l’esprit juste et droit du cultivateur utile et du négociant industrieux, qui, savants dans l’histoire des maux qu’ils ont subis, et non moins éclairés sur les remèdes qu’exigent ces maux, embrassent d’un regard la France entière, et, dispensateurs de la reconnaissance nationale, récompensent par leurs suffrages, après trente années, la fidélité aux principes, dans la personne du plus illustre des défenseurs de la liberté[1].

  1. M. de Lafayette, nommé député par la Sarthe.