Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/367

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reprocher mes distractions et mon impitoyable insouciance.

Cependant la détention sera toujours la peine la plus commune, et puisqu’il est juste de réserver la mort pour un très-petit nombre de crimes, il est impossible, dans plusieurs circonstances, de ne pas lui substituer la prison.

Mais il est des règles que les sociétés politiques doivent s’imposer, et qu’elles ne sauraient enfreindre sans se rendre coupables elles-mêmes en punissant les coupables.

Point de détentions solitaires. L’isolement complet conduit à la démence : l’expérience l’a prouvé. Or, vous n’avez pas le droit de condamner l’homme à la dégradation, au bouleversement, à la destruction de ses facultés morales.

Point de séparation prolongée entre le détenu et sa famille. Par cette séparation contre nature, vous ne punissez pas seulement le crime, vous punissez encore l’innocence. Les enfants à qui vous enviez le triste bonheur de consoler un père, la femme que vous bannissez de la prison de son époux, souffrent d’autant plus que leurs sentiments sont plus profonds et plus dévoués. Ils souffrent plus, en proportion de ce qu’ils valent mieux. Leur peine est donc doublement injuste. Vous devez respecter les affections naturelles ; quels que soient les objets qui les inspirent, elles sont sacrées ; elles sont au-dessus de toutes vos lois.

Je dirais volontiers : point de détentions perpétuelles ; mais je craindrais, en posant ce principe, de rendre plus fréquente la peine de mort. L’avenir est incertain : les ressentiments les plus justes s’adoucissent. Le pouvoir même n’est pas éternellement implacable ; il s’apaise en se rassurant. Laissez-lui l’idée qu’il peut se mettre pour