Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/370

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semblent se combattre, mais la contradiction n’est qu’apparente.

« Ceux qui fondèrent la république française ne savaient pas ce qu’ils fondaient. C’étaient pour la plupart des hommes perdus de crimes, qui avaient ouï dire que dans les républiques les plus factieux étaient les plus en crédit. En fondant la république ils nécessitèrent la terreur. Il fallait que l’État pérît ou que le gouvernement devînt atroce. Ce fut la terreur qui consolida la république. Elle rétablit l’obéissance au dedans et la discipline au dehors. Elle passa des armées républicaines dans les armées ennemies. Elle gagna jusqu’aux souverains, et valut à la France des traités honorables avec la moitié de l’Europe. Les succès mêmes qui n’eurent lieu qu’après la terreur furent néanmoins l’effet de l’impression qu’elle avait produite. Elle détruisit les usages et les habitudes qui auraient lutté contre les institutions nouvelles. Pour ne pas succomber à la violence des moyens employés contre elle par les ennemis, il en fallait d’aussi violents ; il en fallait de plus violents pour les détruire. Consolidée par la terreur, la république aujourd’hui est une excellente institution : il faut l’adopter. Rome fut de même fondée par des brigands, et cette Rome devint la maîtresse du monde[1]. »

  1. Des causes de la révolution, pages 27, 34, 35, 37, 45, 65 et 66.

    Les idées exprimées dans le passage ci-dessus ont encore chez nous de trop nombreux adhérents. Une certaine école historique a tenté de réhabiliter la Terreur à l’aide des sophismes que Benjamin Constant réfute avec une si haute raison ; mais ces tristes et honteuses apologies de l’assassinat politique ont révolté les consciences, et depuis quelques années de très-estimables livres ont été publiés pour réduire à leur juste valeur les déclamations de ce jacobinisme rétrospectif qui est encore aujourd’hui l’ennemi le plus