Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/380

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noms les plus saints, pour motiver les actes les plus exécrables. Elle a confondu toutes les notions, façonné les esprits à l’arbitraire, inspiré le mépris des formes, préparé les violences et les forfaits en tous sens. Elle a frappé de réprobation, aux yeux du vulgaire, toutes les idées qu’embrassaient autrefois avec enthousiasme les âmes généreuses, et que suivaient, par imitation, les âmes communes.

La terreur a fourni à la malveillance une arme infaillible contre tous les actes les plus justes du gouvernement. Elle a flétri d’une ressemblance trompeuse et funeste la sévérité la plus légitime. L’homme le plus coupable, lorsqu’il réclame contre l’autorité, l’accuse de terreur, et, à ce titre, il est assuré de réveiller toutes les passions, et d’armer en sa faveur tous les souvenirs.

Le mal qu’a fait la terreur deviendrait irréparable, si l’on parvenait à consacrer ce principe, qu’elle est nécessaire vers le milieu de toute révolution qui a pour but la liberté.

Cette idée qui ferait rougir les Français d’une liberté acquise à ce prix découragerait les nations qui ne sont pas encore libres, et produirait un effet non moins funeste sur les peuples nouvellement affranchis. Elle leur persuaderait que, pour affermir leur liberté, il faut des crimes et des excès. Tous les scélérats que la France repousse et que les amis de la république sont les premiers à détester pourraient, avec ces raisonnements spécieux, égarer nos voisins encore novices, leur peindre nos triomphes comme le fruit des attentats dont nous fûmes victimes[1], et prêcher la terreur comme une

  1. Parmi ces attentats l’un des plus hideux fut le massacre de septembre. Ce massacre a été de notre temps l’objet de recherches consciencieuses, et contrairement à l’opinion émise par MM. Thiers, Mignet, Lamartine, Michelet et Louis Blanc, qui voyaient dans ce