Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/427

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l’attachement à leurs familles, l’assiduité dans leurs travaux ; mais il faut envahir le monde ! On les saisit, on les entraîne, on les excite au mépris des vertus qu’on leur avait longtemps inculquées. On les étourdit par l’intempérance, on les ranime par la débauche : c’est ce qu’on appelle raviver l’esprit public.


Antres inconvénients du système guerrier pour les lumières et la classe instruite.

Nous n’avons pas encore achevé l’énumération qui nous occupe. Les maux que nous avons décrits, quelque terribles qu’ils nous paraissent, ne pèseraient pas seuls sur la nation misérable ; d’autres s’y joindraient, moins frappants peut-être à leur origine, mais plus irréparables, puisqu’ils flétriraient dans leur germe les espérances de l’avenir.

À certaines périodes de la vie, les interruptions à l’exercice des facultés intellectuelles ne se réparent pas. Les habitudes hasardeuses, insouciantes et grossières de état guerrier, la rupture soudaine de toutes les relations domestiques, une dépendance mécanique quand l’ennemi n’est pas en présence, une indépendance complète sous le rapport des mœurs, à l’âge où les passions sont dans leur fermentation la plus active, ce ne sont pas là des choses indifférentes pour la morale ou pour les lumières. Condamner, sans une nécessité absolue, à l’habitation des camps ou des casernes les jeunes rejetons de la classe éclairée, dans laquelle résident, comme un dépôt précieux, l’instruction, la délicatesse, la justesse des idées, et cette tradition de douceur, de noblesse et