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Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/440

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votre génie ? Vous vous ennuyez dans le désœuvrement de la paix : que nous importe votre ennui ? Le léopard aussi, si on le transportait dans nos cités populeuses, pourrait se plaindre de n’y pas trouver ces forêts épaisses, ces plaines immenses, où il se délectait à poursuivre, à saisir et à dévorer sa proie, où sa vigueur se déployait dans la course rapide et dans l’élan prodigieux. Vous êtes comme lui d’un autre climat, d’une autre terre, d’une autre espèce que nous. Apprenez la civilisation, si vous voulez régner à une époque civilisée. Apprenez la paix, si vous prétendez régir des peuples pacifiques : ou cherchez ailleurs des instruments qui vous ressemblent, pour qui le repos ne soit rien, pour qui la vie n’ait de charmes que lorsqu’ils la risquent au sein de la mêlée, pour qui la société n’ait créé ni les affections douces, ni les habitudes stables, ni les arts ingénieux, ni la pensée calme et profonde, ni toutes ces jouissances nobles ou élégantes, que le souvenir rend plus précieuses, et que double la sécurité. Ces choses sont l’héritage de nos pères, c’est notre patrimoine. Homme d’un autre monde, cessez d’en dépouiller celui-ci. »

Qui pourrait ne pas applaudir à ce langage ? Le traité ne tarderait pas à être conclu entre des nations qui ne voudraient qu’être libres, et celle que l’univers ne combattrait que pour la contraindre à être juste. On la verrait avec joie abjurer enfin sa longue patience, réparer ses longues erreurs, exercer pour sa réhabilitation un courage naguère trop déplorablement employé. Elle se replacerait, brillante de gloire, parmi les peuples civilisés ; et le système des conquêtes, ce fragment d’un état de choses qui n’existe plus, cet élément désorganisateur de tout ce qui existe, serait de nouveau banni de la terre, et flétri, par cette dernière expérience, d’une éternelle réprobation.