Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/60

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ferait éprouver à l’édifice constitutionnel. Car, pour venger la violation d’une loi particulière, il faudra mettre en péril ce qui sert de garantie à toutes les lois. Ainsi les hommes faibles et les hommes raisonnables, les hommes vénaux et les hommes scrupuleux, se trouveront engagés par des motifs différents à ménager les dépositaires infidèles de l’autorité exécutive. La responsabilité sera nulle, parce qu’elle aura été dirigée trop haut. Enfin, comme il est de l’essence du pouvoir, lorsqu’il peut abuser impunément, d’abuser toujours davantage, si les vexations se multiplient au point d’être intolérables, la responsabilité s’exercera, mais étant dirigée contre les chefs du gouvernement, elle sera probablement suivie de la destruction du gouvernement.

Je n’ai point ici à examiner s’il serait possible, par une organisation nouvelle, de remédier à l’inconvénient relatif à la responsabilité, dans une constitution républicaine. Ce que j’ai voulu prouver, c’est que la première condition qui est indispensable, pour que la responsabilité s’exerce, c’est de séparer le pouvoir exécutif du pouvoir suprême. La monarchie constitutionnelle atteint ce grand but ; mais on reperdrait cet avantage, si l’on confondait ces deux pouvoirs.

Le pouvoir ministériel est si réellement le seul ressort de l’exécution dans une constitution libre, que le monarque ne propose rien que par l’intermédiaire de ses ministres : il n’ordonne rien, que leur signature n’offre à la nation la garantie de leur responsabilité.

Quand il est question de nominations, le monarque décide seul ; c’est son droit incontestable. Mais dès qu’il est question d’une action directe, ou même seulement d’une proposition, le pouvoir ministériel est obligé de se mettre en avant, pour que jamais la discussion ou la résistance ne compromette le chef de l’État.