Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/87

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tés, pour couvrir sa honte, des lambeaux qu’elle déchire et qu’elle ensanglante en les arrachant.


II

L’usurpation ne peut subsister, ni sans le despotisme, car tous les intérêts s’élèvent contre elle, ni par le despotisme, car le despotisme ne peut subsister[1]. La durée de l’usurpation est donc impossible.

Sans doute le spectacle que la France nous offre paraît propre à décourager toute espérance. Nous y voyons l’usurpation triomphante, armée de tous les souvenirs effrayants, héritière de toutes les théories criminelles, se croyant justifiée par tout ce qui s’est fait avant elle, forte de tous les attentats, de toutes les erreurs du passé, affichant le mépris des hommes, le dédain pour la raison. Autour d’elle se sont réunis tous les désirs ignobles, tous les calculs adroits, toutes les dégradations raffinées. Les passions, qui durant la violence des révolutions se sont montrées si funestes, se reproduisent sous d’autres formes. La peur et la vanité parodiaient jadis l’esprit de parti dans ses fureurs les plus implacables. Elles surpassent maintenant, dans leurs démonstrations insensées, la plus abjecte servilité. L’amour-propre, qui survit à

  1. Les gouvernements despotiques ont cru qu’en empêchant les mécontentements de se montrer par des actes légaux, ils les empêcheraient aussi de se manifester par une multitude de manières illégales et dangereuses. Ils sont souvent victimes de cette erreur, et font naître des révolutions dont il faut attribuer à eux seuls les excès. Le peuple, dans ces gouvernements, est tantôt rampant, tantôt furieux. La modération et la raison n’appartiennent qu’au régime de la liberté.
    (Mirabeau.)